Les parents devraient diversifier l’alimentation solide de leurs poupons, selon une experte en nutrition.
L’émission « L’épicerie » a commandé l’analyse de 11 aliments à base de riz destinés à des nourrissons et qui ont été achetés à Calgary, Toronto et Montréal. De ce nombre, deux produits contenaient des proportions d’arsenic qui dépassent les limites permises en Europe et aux États-Unis.
En 2013, cette même émission avait révélé que de nombreux riz et produits à base de riz dont des céréales pour bébés contenaient un taux d'arsenic qui s’avérait inquiétant, surtout pour les petits bébés. Ces derniers en mangeant beaucoup plus en proportion de leur poids, que les adultes.
Sébastien Sauvé, professeur de chimie environnementale à l’Université de Montréal, rappelle qu’un nourrisson grandit et n’a pas la même physiologie qu’un adulte pour traiter les produits toxiques, ses reins et son foie n’étant pas encore complètement efficaces.
Comme tel, l’arsenic ne présente pas un danger d’empoisonnement, mais il s’avère cancérigène.
L’adulte en bonne santé élimine l’arsenic de son organisme, mais pas le bébé. Comme le riz est l’un des premiers aliments solides que l’on offre aux bébés de 6 mois et plus, il faudrait qu’il contienne un minimum d’arsenic.
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L’arsenic est présent naturellement dans tous les végétaux, particulièrement dans le riz, car celui-ci pousse dans des sols saturés d'eau et dans des rizières où il y a naturellement beaucoup d'arsenic dans le sol.
« Le riz est enclin à contenir des traces de l’arsenic le plus toxique, l’inorganique, qui est principalement d’origine géologique et présent dans l’eau des nappes phréatiques », explique Sébastien Sauvé.
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Présentement, Santé Canada impose une limite de concentration maximale de 10 parties par milliard (ppb) pour l’arsenic dans l’eau et les jus de pomme, mais pas dans les autres aliments.
De son côté, l’Union européenne impose une limite de 100 ppb sur le riz et les produits du riz. La Food and Drug Administration (FDA) aux États-Unis, quant à elle, recommande la même limite sans la rendre obligatoire par contre.
D’après l’auteure réputée et professeure en nutrition, études alimentaires et santé publique à l’Université de New York, Selon Marion Nestle « Ces limites dérangent l’industrie, et aucun gouvernement ne veut agir. Toujours en avance sur les États-Unis, l’Union européenne a imposé une limite de 100 ppb. »
En collaboration avec l’émission « Marketplace » de CBC, l’émission L’épicerie donc fait analyser 11 produits à base de riz destinés aux nourrissons à raison de 3 échantillons de chacun pour en vérifier le taux d’arsenic.
Tous les produits analysés en contenaient des traces. Cependant, on a détecté des taux préoccupants d’arsenic inorganique dans deux produits en particulier: des céréales de riz crémeux de la marque Baby Gourmet (qui en en contenaient entre 110 et 152 ppb) et des collations « Soufflés de riz à grains entiers » de la marque Choix du Président Biologique, (entre 110 et 202 ppb).
Santé Canada a annoncé qu’elle élabore actuellement un projet de règlement visant à établir des concentrations maximales nationales précises en ce qui a trait à l’arsenic dans le riz vendu au Canada.
Le processus sera lancé au milieu de l’année 2019 et il débutera par une consultation de tous les intervenants. Ce processus prendra quelques mois. Pour déterminer si des mesures supplémentaires de gestion des risques sont nécessaires pour les aliments dont le riz blanc ou brun est le principal ingrédient, comme les aliments pour nourrissons, Santé Canada, en consultation avec l’ACIA, recueille des données supplémentaires sur les concentrations d’arsenic dans ces aliments.
« Les parents devraient exiger de connaître les taux d’arsenic dans les céréales de leurs enfants », estime Marion Nestle, qui pense que les compagnies devraient être contraintes d’afficher ces taux sur les emballages, pour une question de santé publique.
En attendant, Jackie Demers, nutritionniste et directrice générale du Dispensaire diététique de Montréal, suggère de diversifier l’alimentation des nourrissons.
« Les recommandations pour l’introduction des aliments auprès des enfants ont changé. On favorise des aliments riches en fer ou qui sont non transformés. On parle d’introduire la viande, les légumineuses. Donc, ce n’est plus obligatoire de passer par des céréales de riz enrichies. Je pense que ça aide, déjà, à réduire le risque d’exposition à l’arsenic », mentionne-t-elle.